LA COLONIALITE DU CAMEROUNAIS

Avouons que ce qui se passe au Cameroun actuellement remets en cause certains présupposés du discours post-colonial. L’action de l’Etat du Cameroun avec l’approbation d’une bonne frange de la population valide non seulement le modèle colonial comme unique projet de l’Etat Africain mais surtout fait tomber tout le discours post-colonial qui critique sa violence. Comment encore accuser le blanc de sa violence historique sur le continent quand sous nos yeux l’Africain dans sa  construction de l’Etat use du même modèle colonial pour gérer ses crises internes quand il n’en fait pas un “devoir”? Comment comprendre qu’on développe un discours d’adhésion à un colonialisme de l’Etat Africain contre son propre peuple? Le discours d’une espèce contagion du blanc au noir de cette violence colonial à travers des dirigeants africains manipulés par l’occident est-il encore convainquant lorsqu’une bonne partie de cette population noire comprends et promeut avec un discours très articulé dans les réseaux sociaux cette violence? 

Comment encore critiquer la partition de l’Afrique à Berlin quand les frontières coloniales artificielles sont aujourd’hui sacralisées au point de condamner à mort tous ceux qui attenterait à leurs modification? L’Etat (des crevettes) “inventé” par le blanc comme on peut le suivre dans la chronologie de l’histoire du Cameroun est devenu la fondation même de ce que nous les noirs sont devenus et démontre qu’il se battra jusqu’au dernier souffle pour rester à “cet endroit où le blanc nous a laissé”. 

A mon avis, le discours post-colonial doit évoluer et ne saurait plus rester à son point actuel où il reste après tout une critique du projet colonial dans son ensemble; d’abord parce que ces Etats “inventés” n’ont toujours pas imaginé autre chose sauf peut-être le nom comme dans le cas du Burkina Faso de Thomas Sankara, les autres portent toujours avec fiertés leurs noms de baptêmes, ensuite si on s’en tient à l’idéal de l’Etat Africain de Mandela, il n’a rien imaginé d’autre que le modèle de l’Etat colonial… L’Etat colonial c’est mauvais … avec vous ou encore le colonialisme c’est bon… avec nous! 

Jusqu’à ce jour les discours d’Ubuntu, de l’Egypte ancienne  et plus récemment du Wakanda ne restent que dans l’ordre d’une fantasmagorie qui anime une posture anti-coloniale qui ne reste  après tout qu’une performance. On joue les Africains! On n’ose pas se redéfinir, se réinventer. On croit sortir de la colonialité en allant voir les chinois pourtant avec eux nous ne faisons que renforcer notre admiration pour ce modèle. En d’autres termes nous africains n’avons rien aujourd’hui à part ce que le blanc nous a donné lors du colonialisme et nous devons lui en être reconnaissant si nous voulons être cohérents avec nous-mêmes. Soit ce qu’il a laissé est mauvais et on le rejette comme les ex-pays communistes qui n’ont pas hésité une seconde à sortir du communisme lorsqu’ils ont pu, soit ce qu’il nous a laissé et bon et nous l’embrassons avec enthousiasme. 

Sauf que l’attitude du noir et du camerounais en ce moment est de l’ordre de la duplicité qui démontre très bien que son visage revêt aujourd’hui la peau noire et le masque blanc de Fanon. La question aujourd’hui est qu’il faudrait qu’il se regarde dans la glace; s’il se trouve beau qu’il assume ce qu’il est devenu et qu’on avance. Mais s’il se trouve laid, qu’il jette le masque! 

Si nous sortons des discours et écoutons ce que nous disent les comportements de nos sociétés Africaines, il est clair les mèches brésiliennes, les produits d’éclaircissement de la peau, les jeunes qui entreprennent de partir vers l’occident à n’importe quel prix, les dirigeants qui pillent le pays et vont déposer leurs fortunes en occident… si on ne s’en tient qu’au Cameroun, il est evident qu’il est difficile de dire que le projet colonial qui fut surement un cauchemar à une certaine époque, n’est pas devenu notre nouveau rêve! 

Si on se mets du point de vue des Allemands par exemple qui avaient un projet pour nous en notre lieu et place bien sûr , comme celui par exemple de créer un Etat qui allait s’appeler Kamerun et qu’un Rudolf Manga Bell qui finalement est un nationaliste avant la nation; voire même contre la nation en projet, vienne faire obstruction, comment ne pas comprendre qu’il fallait s’en débarrasser? Quand aujourd’hui c’est ce même Cameroun pour lequel nous sommes prêts à faire une guerre fratricide et tuer tous ces “zozos » qui essayent de le partitioner, reconnaissons qu’il y a un paradoxe que nous devons régler. 

Soit ce que le blanc a fait est mauvais, on le jette soit ce qu’il a fait est bon, on le garde. Nous ne pouvons pas poursuivre son oeuvre tout en critiquant ce qu’il a fait. Toute position intermédiaire à de l’ordre de la duplicité et est une acrobatie pour justifier la seule chose pour laquelle on se tue vraiment entre nous, “le fauteuil”. Les petits privilèges sont notre véritable idéologie dans toute cette affaire. On attaque le blanc si notre “fauteuil” est menacée et on l’embrasse quand il nous laisse “un fauteuil” ou nous réconforte quand il est menacé. Le fameux coup de fil du président français Macron nous a fait basculer la France de l’”ennemi de l’extérieur voulant destabiliser le Cameroun » au “pays frère et ami qui soutien le chef de l’Etat dans la lutte contre la partition de l’intégrité territoriale un et indivisible”. Ce n’est qu’un exemple de discours qui démontre qu’on se sert du colonialisme de manière utilitariste. Dans les faits, il n’y a pas de discours anti-colonial au Cameroun; mieux la colonialité  vit est a de beaux jours devant elle, car il n’existe aucun projet ni programme politique anti-colonial en tant que tel, les jeunes rêvent tous d’entrer à l’ENAM (ancienne école coloniale d’administration). 

On pretend refuser l’ingérence étrangère… dans les discours mais l’ingérence étrangère est allée jusque dans la construction des écoles … primaires! Une mission soit disant régalienne de l’Etat! 

Il faut que le noir arrête avec cette duplicité et cette hypocrisie dans cette relation avec le blanc et la redéfinisse sur la base d’un veritable humanisme… justement de ceux qui aimerait que le colonialisme prenne fin sous toutes ses formes et que le noir, le camerounais ne soit pas celui par qui le colonialisme dont il a été victime se perpétue!